Charlie’s Country

Festival du Film d’Amiens 2014

Réalisé par Rolf de Heer. Écrit par Rolf de Heer, David Gulpilil. Avec David Gulpilil, Peter Djigirr, Luke Ford. 100 minutes. Australie. Sortie française le 17 Décembre 2014.

Rolf de Heer est connu pour avoir réalisé BAD BOY BUDDY (1993), DANCE ME TO MY SONG (1998) mais aussi 10 CANOES, 150 LANCES ET 3 EPOUSES (2006, licorne d’or à Amiens). Avec CHARLIE’S COUNTRY, le cinéaste filme à nouveau le peuple aborigène. Et ce n’est pas tant qu’il a toujours quelque chose à dire, mais il s’agit avant tout du regard qu’il porte sur ces personnages. Il y a une telle compassion, que ses difficultés deviennent de plus en plus anecdotiques. Elles restent tout de même importantes, pour l’évolution du personnage de Charlie, mais il y a quelque chose de plus fascinant que cela.

Dans leur écriture, David Gulpilil et Rolf de Heer prennent les faits de dramatisation pour porter le personnage ailleurs. Non pas comme une fuite de la tragédie, mais plutôt un regard plus apaisé sur la dramatisation de la situation sociale du personnage. Humilié par les « blancs » qui dictent leur culture et leurs ordres aux aborigènes, Charlie va finir par aller chercher le bonheur ailleurs. Là où d’autres films prennent ces tragédies sociales comme des injustices pour enfermer leurs personnages, Rolf de Heer filme un personnage qui s’en extirpera.

A force de se battre au milieu des deux cultures, Charlie finira par se lasser. C’est à partir de ce moment où il partira vers une quête de rédemption, là où il pourra trouver la paix et le bonheur de vivre. Malgré la pauvreté dans laquelle le personnage vit, Rolf de Heer ne s’y intéresse pas tellement. Ce ne sont que des détails contextuels pour ouvrir sur un regard plus sympathique. Pas très loin de l’éloge du personnage (trop dedans serait pénible envers une prise de position dogmatique), le film crée des impasses pour son protagoniste. Sauf que ces portes qui se ferment en font ouvrir d’autres. C’est là que Charlie va errer, déambuler et faire un vas-et-viens constant entre de multiples espaces.

Le rapport à la nature et les espaces filmés est impressionnant, puisque le retour à la vie sauvage de Charlie fonctionne comme une renaissance. C’est ici que nait tout l’humanisme du film, car le personnage de Charlie n’est jamais malheureux de sa condition. Il blâme toujours l’injustice des autres, mais est heureux de ce qu’il a, car il l’a choisi. Quand il pêche un poisson et le mange pour lui seul, il devient l’homme le plus heureux du Monde. L’humanisme du film ne tient pas à la compassion pour les difficultés du personnage, mais tient sur le bonheur naturel qu’il éprouve.

C’est avec sérénité que le film se déroule devant nos yeux. Des répétitions des scènes dans la prison au simple bonheur de manger un poisson ou de danser, le film se contente de choses simples pour porter un regard attachant. Les émotions portées sont primaires, mais tellement justes qu’elles cachent le classicisme de la forme. L’esthétique n’est pas bouleversante, n’a pas de grandes lignes, mais est assez propre pour passer un agréable moment visuel. Même le montage, au découpage assez conventionnel, n’est pas très original. Mais encore une fois, le film joue de son côté classicisme pour se concentrer davantage sur le personnage et l’humanité qu’il dégage.

Parce qu’il s’agit avant tout d’un film de personnage. Tout est réfléchi, pour que le seul point central soit le personnage de Charlie. De chaque plan, le personnage représente bien plus qu’un simple aborigène. Il contient en lui tout l’espoir, le bonheur et la fureur de vivre qu’un être humain peut avoir. « Savoir savourer des plus petites choses » pourrait être l’expression qui résume le film, que ce soit dans sa forme que dans son fond. Le propos est peut-être minimaliste par rapport à une sorte de colonisation, disparition des peuples anciens, mais l’amour de la terre natale et des espaces naturels provoque une contemplation fascinante autour de Charlie. Son pays, sa communauté, notre humanité.

4 / 5
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