Black Coal

Écrit et Réalisé par Diao Yinan. Avec Liao Fan, Lun Mei Gwei, Wang Xue Bing. 106 minutes. Chine. Sortie française le 11 Juin 2014

<< Un employé d’une carrière minière est retrouvé assassiné et son corps dispersé.. L’inspecteur Zhang mène l’enquête, mais doit rapidement abandonner l’affaire après avoir été blessé lors de l’interpellation des principaux suspects. 5 ans plus tard, deux nouveaux meurtres sont commis dans la région, tous deux liés à l’épouse de la première victime. Devenu agent de sécurité, Zhang décide de reprendre du service.>>

Voici un film qui joue sur plusieurs terrains à la fois. On a le thriller sombre, on a le film d’action moderne, puis on a le polar passionnel. Il y a la volonté de donner une nouvelle saveur au thriller. Un genre dont les codes sont très encrées dans le marbre. Diao Yinan prend alors certains détours dans le thriller, pour y ajouter d’autres éléments de genre. Le problème dans tout cela, c’est que Diao Yinan les découpe dans son récit. La narration se retrouve dans un cycle de répétition passion-thriller-action. Chaque genre est distingué par ses scènes. Seule l’ultime, et très étrange, scène arrive à les mixer. De ce fait, le point de vue changera sans cesse. Dans une scène on est dans la passion, pour arriver ensuite dans le thriller, avant d’y trouver de l’action. Ce choix de narration se répétera au montage.

Diao Yinan se rattrape avec son esthétique. Qu’il gardera, uniformément, durant tout le film. La modernité dans le film d’action est dans une retenue frissonnante. Nous sommes loin de la violence spontanée et à outrance. Diao Yinan choisit de mettre en scène une pression physique, qui provoquera des conséquences psychologiques. Juste quelques baffes suffisent à traduire toute la cruauté d’une action, et d’en définir l’essence de la violence. Je parle évidemment de la scène chez le coiffeur. Par cette modernité, il décide d’aller à fond dans sa vision de l’univers qu’il évoque. Son esthétique est pleinement expressionniste. Des couleurs vives à foison, comme des néons qui éclairent sur plusieurs mètres carrés.

Le film peut aisément passer d’une teinte rouge à une teinte bleue. Toute l’esthétique s’accroche à la mise en scène et au cadrage. L’expressionnisme est due à plusieurs éléments de mise en scène, pour être précis. On peut donner la radicalité des attitudes, pour se confondre avec la retenue physique. De plus, on peut noter les ellipses crées dans, pratiquement, toutes les actions de violence. Enfin, les détails qui font la base du récit relève d’une grande incongruité. Il y a plusieurs moments où l’absurde prend le dessus. Quand l’accent est mis sur l’arme du meurtre (des patins à glace), quand on découvre la vraie histoire du blouson non repris à la teinturerie, etc…

Cela n’enlève rien à l’ambiance hypnotique du film. Même s’il met longtemps à démarrer, à s’installer dans son approche, le film reflète un paradoxe. Dans sa mise en scène, le film est violent et expressionniste. Mais à la surface, tout est bien plus froid. Grâce à son montage, Diao Yinan continue la radicalité proposée dans la forme du film. Plusieurs plans fixes deviennent des tableaux violents, les travellings sont brutaux ou très lents, les échelles conditionnent notre regard sur les personnages. Mais ce n’est pas tout, car les personnages sont volontairement distants avec le spectateur. Dès le début, Diao Yinan choisit ne de rien dire sur ses personnages, et pas davantage en continuant dans le film. On ne sera rien de ce qu’ils ressentent, de ce qu’ils prévoient de faire, ou ce qu’ils sont réellement. Chaque décision, chaque acte nous arrive radicalement. Il faut signaler que ces personnages ont un décor propice à la froideur de leurs comportements. Pratiquement tout le film se déroule dans une période hivernale.

En parallèle de cette froideur, le film est très sombre. Les trois genres (polar passionnel, thriller, action) forment quand un tout, qui pourrait frôler le film noir. Diao Yinan est très macabre avec ce film. Le noir du charbon, le renfermement de la teinturerie, les gants noirs, … ont leur importance dans l’idée du film noir. Il faut également préciser que Diao Yinan n’a pas l’intention d’offrir un camp plus gentil qu’un autre. Chaque personnage a ses bons comme ses mauvais côtés. Sauf que, dans les cas de violence, Diao Yinan n’utilise pas ce côté sombre du film. Il se contente de la froide radicalité, avec un peu d’absurde.

3 / 5